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N’y a-t-il plus que mourir
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J’aimerais vous partager une lettre écrite par Mme Diane Gendron, proche aidante de son conjoint atteint de Parkinson. Dans la foulée de ce témoignage, Mme Gendron a été reçue en entrevue, avec Chloé Sainte-Marie, à l’émission d’Isabelle Maréchal. Vous trouverez la lettre tout en bas et, ci-dessous, les liens vers l’émission dans laquelle Diane et Chloé se sont entretenues avec Isabelle Maréchal, à la suite de ce cri du cœur profondément émouvant. La première partie de l'entrevue est disponible en format vidéo (1) et la suite (2) est en format audio: (1) «C'est un deuil chaque jour»: cri du coeur d'une proche aidante désemparée (2) Soins à domicile: cette infirmière est payée à… rien faire! |
Un peu d’espoir Une nouvelle maison Gilles Carle ouvrira en 2026 à Terrebonne. Jeanne Dignard, directrice générale, nous en parlera bientôt. Continuons ensemble notre travail essentiel, en soutien aux proches aidants épuisés par le système! |
Un peu de beauté Je vous invite à visionner la dernière vidéo « Mamie Remix ». Ce projet propose une rencontre inattendue entre des aînés et des adolescents autour de la création d'un vidéoclip. Dans l’émouvante « Fade Away », nous retrouvons des étudiants de l’École internationale de Montréal et des résidents du CHSLD Paul-Émile-Léger. Pour réaliser cette vidéo, ils ont été accompagnés par l’équipe des Berceurs du temps. Bravo! |
Chloé avait vu juste ou L’art d’aider les aidants Les coupures en santé ont un impact direct sur la population. On reste parfois accroché à une image antérieure du système et on nourrit le déni. J’aimerais partager avec vous ce que je vis pour que nous puissions, ensemble, mieux voir ce qui vient. Il y a dix ans, notre vie a basculé. J’ai reçu un diagnostic de cancer au stade 4. J’ai été aidée de formidables manières. J’ai survécu. Dans les mois qui ont suivi, mon père est mort sur une table d’opération, ma mère fut terrassée par un AVC et mon conjoint a reçu un diagnostic de Parkinson. Je suis devenue “aidante”. Je ne le savais pas encore, mais j’étais aux premières loges d’un bien triste spectacle. Celui de la démolition de notre système de santé. Alors que je vois surgir un peu partout des publicités pour célébrer les proches aidants, je constate qu’elles sont de plus en plus abandonnées. Exit le filet social et la solidarité. Voici quelques jalons qui ont ponctué notre parcours. Lors d’une première demande pour obtenir de l’aide à domicile, j’apprends que notre dossier a été fermé avec la note suivante : “Monsieur est autonome grâce à la présence constante de sa conjointe”. C’est mon congé d’invalidité qui me rend si disponible. Le réseau peut se délester sur mon dos. Je me découvre esclave. Travail imposé, sans répit, sans rémunération. Je me suis débattue pour sortir de ce trou. J’ai fini par accéder à l’échelle de la “santé et des services sociaux”. Par une triste ironie du sort, chacun des barreaux s’est effondré au moment où j'allais y poser le pied. Telle subvention pour l’aide à domicile? “Les nouvelles demandes sont suspendues jusqu’à nouvel ordre”. La préposée qui devait venir à la maison? Elle a démissionné, elle a trouvé un meilleur emploi, ou on lui a signifié de ne pas revenir pour cause d’incompétence ou de maltraitance. Le programme de réadaptation censé “faciliter le maintien à domicile”? Il a compromis le dit maintien car aucun des moyens qui auraient permis de réaliser ce mandat n’a été mis en place, par manque de budget. En bout de piste, le service qui nous aurait le mieux permis de ne pas sombrer dans l’épuisement est le répit-hébergement de courte durée. Or la plupart des ressources ont cessé d’offrir ce type de service. J’avais le téléphone à la main pour réserver un premier séjour à la maison Gilles-Carle de Montréal, en avril 2023, quand j’ai entendu Radio-Canada annoncer qu’elle fermait ses portes, le jour même. Celle de Boucherville avait cessé ses activités un an plus tôt. La maison Carpe Diem, qui offrait aussi ce type de répit, a cessé de l’offrir, il y a quelques semaines. La liste est longue. La seule ressource de ce type qui nous est encore disponible se trouve à 3 heures aller-retour de notre domicile. Il faut être épuisée, mais pas trop, pour se tourner vers cette solution… Chloé Sainte-Marie et Gilles Carle ont connu les affres de la maladie. Ils ont développé un modèle de répit qui répondait à un besoin criant. Cette main tendue aux proches aidants permettait d’affronter la maladie et d’avancer dans la dignité. C’est de moins en moins possible. Aujourd’hui, n’y a-t-il plus que mourir qui puisse se faire dans la dignité? Je ne voulais pas envisager tout de suite l’hébergement permanent, mais, à bout de force, j’ai prononcé les mots honnis qui résonnent à mes oreilles comme un échec : “Je n’en peux plus, le maintien à domicile n’est plus possible”. Ai-je reçu du soutien? Non. Le dernier barreau de l’échelle a cédé. “Non, ce n’est pas possible. La directive exige d’atteindre la cible de 85% des admissions attribuées à une clientèle au profil ISO-SMAF de 10 à 14. Or même les usagers présentant les profils de perte d’autonomie les plus élevés ne doivent pas être systématiquement orientés en CHSLD. Il faut au préalable avoir utilisé, pendant un certain temps, l’ensemble des ressources disponibles à domicile”. -”Faut-il entrer dans les cases de votre offre de service même lorsque cela ne correspond pas à nos besoins? Écoutez, nous sommes quatre dans la maison. Dans le brouhaha de nos matins, je ne vois pas ce qu’il y aurait d’aidant à recevoir une étrangère, pendant 30 minutes, pour qu’elle lave et habille mon chum.” - “Si vous n’êtes pas à l’aise, Madame et les enfants peuvent sortir de la maison pendant que Monsieur reçoit des services. Il est important de faire la démonstration de votre bonne volonté”. Note à moi-même : les esclaves doivent, en plus, faire preuve de bonne volonté. “One-size-fits-all”, c’est la règle. On m’a fait signer une demande de subvention pour envoyer mon enfant handicapé dans un camp de vacances spécialisé. - “On parle bien de mon mari, ici?” -” Oui, peu importe, c’est la seule subvention disponible en ce moment”. On m’a aussi servi cette cette mise en garde : “Concernant le plan de service du matin, vous devez comprendre, Madame, qu’il ne pourra pas être mis en place très tôt. Nous devons donner priorité aux personnes qui passent la nuit dans leur merde.” Je comprends. Je comprends que je n’ai pas été entendue. Je comprends que la seule “taille” disponible est un vieux lambeau passé trop souvent à la machine. Je comprends surtout qu’on enlève encore plus de dignité à certaines personnes, si faire se peut, en nous forçant à accepter des services qui ne répondent pas à nos besoins. Il ne me reste que ces deux choix : me noyer avec celui que j’aime, ou l’abandonner, dans un petit panier, sur le perron de … l’hôpital. Il irait alors rejoindre le 25% de gens hospitalisés qui ne sont là que parce qu’ils attendent que quelqu’un meurt, en chsld, et libère une place. Notre gouvernement fait de grossières erreurs de calcul. Couper l’aide et le répit aux proches aidants pousse un plus grand nombre de personnes vers les chsld, qui coûtent infiniment plus cher. Comme il manque de place pour héberger tout ce beau monde, on restreint l’accès aux agonisants. Ce n’est plus un “milieu de vie”, c’est un endroit où aller mourir. Les “maisons des aînés”, la maison de la proche aidante assignée à domicile et les maisons funéraires portent leur substantif de la même manière. La maison est une tombe. Voilà, pour l’État, l’ultime moyen d’économiser : accélérer notre déchéance. Morts, l’aidante et l’aidé ne coûteront plus rien. Sauf que, même dans l’aboutissement de cet eugénisme de fin de vie, j’affirme que notre gouvernement se trompe dans ses calculs. J’ai la prétention de pouvoir encore contribuer à notre richesse collective, mais ces économies à courte vue m’en empêchent. Poussons plus loin le raisonnement mortifère: faut-il tuer les aidés pour remettre les aidantes au boulot? N’est-ce pas ainsi que nous économiserons le plus d’argent? Il est toujours utile de pousser un raisonnement à sa limite, pour voir où il nous mène. Les aidés, dans leur force de vivre, nous offrent aussi à voir, à travers une lentille grossissante, le sens de nos actions. Si leur incommensurables efforts pour rester en lien avec les autres n’en valent pas la peine, si la flamme qui vibre dans leur regard n’a pas d’importance, alors tous les petits efforts des autres vivants n’ont pas davantage de sens. Tuons la vie, et nous ferons de formidables économies. En fondant les maisons Gilles-Carle, Chloé avait vu juste. Comme Gilles, comme nous, comme tant d’autres, elle regardait du côté de la vie. Il est dramatique de constater que notre gouvernement nous tourne le dos. Et nous entraîne de l’autre côté. Non, nous ne sommes pas un poids mort. Tirons solidairement et ramenons notre système de santé du côté de la vie. Diane Gendron, |
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