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Québec à la rescousse des maisons Gilles-Carle

Le soutien en santé mentale, un défi quotidien

L’imprévisibilité des troubles mentaux
Photo: iStock L’imprévisibilité des troubles mentaux peut rendre difficile la tâche des proches aidants des personnes qui en sont atteintes.

Les proches aidants en santé mentale font face à des défis bien particuliers. Des ressources existent pour les aider à se préserver.

« On n’est pas proche aidant parce qu’on en est obligé. On fait ça parce qu’on les aime, nos proches, et ça demande beaucoup d’amour », confie Martin Gauthier, qui accompagne sa conjointe atteinte d’un trouble de santé mentale. « C’est tellement compliqué d’accompagner quelqu’un qui vit avec des enjeux en santé mentale, et on a autant besoin des proches que de l’équipe clinique. On doit travailler tous ensemble », assure de son côté Marie-Hélène Morin, professeure depuis 15 ans au Département de psychosociologie et travail social de l’Université du Québec à Rimouski, et qui étudie actuellement le sujet pour sa thèse de doctorat.

L’une des principales difficultés que rencontrent ces proches aidants au quotidien est l’imprévisibilité des troubles mentaux, indiquent les deux intervenants. « Ça se peut que ce que tu avais planifié dans une journée, ce ne soit pas ça qui arrive », souligne ainsi Martin Gauthier. En santé mentale, on navigue en effet souvent d’une crise à l’autre. « Le rétablissement, c’est comme des montagnes russes avec des hauts et des bas. En un claquement de doigts, tout peut changer rapidement : la personne atteinte ne veut plus que son proche l’accompagne dans les réunions cliniques, ne veut plus lui dire si elle prend sa médication, ne veut plus lui dire si elle va à son rendez-vous avec le psychiatre… » a pu constater Marie-Hélène Morin dans ses travaux. Une imprévisibilité difficile à suivre pour les proches aidants qui sont, en cas de crises, toujours aux premières loges.

Martin Gauthier s’applique donc à être attentif aux signaux envoyés par sa conjointe atteinte de bipolarité avec ses phases en alternance de dépression et de manie. « C’est difficile parce qu’elle ne parle pas de facto de ce qui se passe. Des fois, même, elle ne se rend pas compte qu’elle est en train d’avoir un épisode de manie où tout va bien et la vie va à 400 milles à l’heure », explique-t-il. S’il tient à être présent pour elle, il souhaite aussi lui accorder l’espace pour vivre ses émotions. « C’est correct d’être en manie ou en dépression. Il faut que je lui donne le droit de vivre ces moments de joie et de tristesse, même s’ils sont aujourd’hui minimisés avec la médication qui atténue tout ça », relève-t-il. Et avec quatre adolescents à la maison, la vie est loin d’être un long fleuve tranquille.

« Je suis devenu le pilier de la famille en étant responsable de ce qui se passe : l’adaptation des horaires, les listes, les activités, les repas, etc. C’est quand même un peu intense. »


Martin Gauthier

La clé de la réussite de la proche aidance en santé mentale selon Martin Gauthier ? Il faut prendre soin de soi et s’écouter, d’abord et avant tout. « Quand on prend l’avion, ils nous disent de mettre notre masque en premier avant d’aider nos voisins. C’est exactement la même chose », relève-t-il. Pour avoir souffert d’un épuisement professionnel, le proche aidant, par ailleurs gestionnaire au sein d’une grande entreprise, sait de quoi il parle. « C’est quand même épuisant d’être dans une vigilance constante, et on peut se perdre un peu. Comme j’ai un travail exigeant, ultimement, ça m’a rattrapé », explique-t-il. Depuis, le père de famille a appris à vivre l’instant présent, à apprécier les vides et à lâcher prise, tant dans les sphères professionnelles que privées. « On ne sait pas ce qui va se produire, mais il faut savoir être là pour les bonnes personnes. »

Les pairs aidants, un soutien précieux

Marie-Hélène Morin note que les proches aidants en santé mentale peuvent, en outre, faire face à d’autres défis, comme la consommation, l’itinérance ou l’isolement. « Pour survivre à ça, ils doivent réussir à prendre une certaine distance et à se créer une bulle de protection, ce qui peut être hyperdifficile, car, souvent, ils pensent qu’il n’y a personne pour leur venir en aide », affirme-t-elle. Pour être épaulés, les proches aidants peuvent toutefois compter, au sein des équipes soignantes, sur les pairs aidants, ces personnes qui ont une expérience similaire et qui se servent de leur vécu pour leur offrir écoute, soutien et accompagnement. « Les proches aidants en santé mentale peuvent se reconnaître en celles et ceux qui leur disent : “je suis passé par là et je comprends ce que tu vis, donc on va raisonner ensemble et peut-être que mon parcours et mon recul vont t’aider” », dit la professeure. Les intervenants en soins de santé, comme les travailleurs sociaux et les infirmières, qui, parfois, peuvent se sentir dépassés par les besoins de soutien des proches aidants, peuvent désormais déléguer certaines tâches aux pairs aidants. « Il y a des parcours extraordinaires de rétablissement qui génèrent de l’espoir », renchérit Marie-Hélène Morin.

« Actuellement, ça va super bien : on a trouvé un équilibre dans notre vie, du lever au coucher, à travers ce qu’on mange et la prise de médication », se félicite Martin Gauthier. Celui-ci admet que, même si les adaptations ont nécessité un peu de temps, les choses ne sont plus aussi épuisantes qu’elles l’étaient autrefois. Puisqu’il est « un gars très actif », il trouve même des moments pour enseigner la musique, l’une de ses passions, à des jeunes du secondaire. « Ça me fait extrêmement de bien de redonner à la génération de demain », conclut-il. Et siroter une bière de microbrasserie au grand air avec ses amis quand le temps le permet, aussi.

Une campagne pour sensibiliser les employeurs

« Il y a encore beaucoup de stigmatisation, de tabous et de préjugés autour de la santé mentale », souffle René Cloutier, directeur général de CAP santé mentale. La fédération d’associations dont la mission est axée sur le mieux-être des proches d’une personne vivant avec un problème de santé mentale vient de lancer une campagne pour mieux outiller les employeurs et les employés du Québec grâce à une trousse accessible gratuitement en ligne. Elle contient notamment des fiches informatives, une fiche d’activité et des guides pratiques. « [Les proches aidants] vont au travail avec beaucoup de préoccupations, ce qui amène souvent une baisse de productivité, du présentéisme ou de l’absentéisme, donc on aimerait amener les employeurs à ouvrir le dialogue et à offrir plus de flexibilité dans l’organisation du travail », dit-il. Le directeur souhaite que ces ressources permettent aux proches aidants en santé mentale de se sentir davantage soutenus et compris dans leur environnement professionnel.

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