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Québec à la rescousse des maisons Gilles-Carle

Cinq ans de reconnaissance pour les proches aidants… et après?

De nombreux proches aidants peinent à obtenir l’aide
Photo: iStock De nombreux proches aidants peinent à obtenir l’aide et les services dont ils ont besoin, indique Sophie Éthier, professeure titulaire à l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval.

C’est en juin 2020 que Marguerite Blais, alors ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, a déposé un projet de loi pour reconnaître et soutenir davantage les personnes proches aidantes. La loi est entrée en vigueur en octobre de la même année. Cinq ans plus tard, quel bilan en dresse-t-on ?

Cette loi revêt un caractère historique, souligne Sophie Éthier, professeure titulaire à l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval. « C’était la première fois qu’un gouvernement s’intéressait politiquement à la question et mobilisait tous les ministères », soulève celle qui préside également un organisme soutenant des proches aidants.

« La loi a apporté un cadre légal qui reconnaît et qui définit ce qu’est la proche aidance », renchérit Loriane Estienne, directrice générale de Proche Aidance Québec, soulignant que la province est la seule au pays à avoir légiféré en ce sens.

L’Institut de la statistique du Québec estime à 21,1 % de la population, soit près de 1,5 million de personnes, le nombre de proches aidants dans la province en 2018. Un chiffre appelé à augmenter avec le vieillissement démographique. L’organisme l’Appui pour les proches aidants a par ailleurs réalisé une enquête en 2022 estimant que 2,4 millions de Québécois accompagnent un de leurs proches par de l’aide ou des soins au moins une heure par semaine.

Mais attention : la proche aidance ne concerne pas uniquement les aînés. Mère d’un garçon polyhandicapé, Martine Chartrand a compris son rôle quand sa fille cadette a montré un développement plus important que son fils au même âge.

« C’est là que j’ai compris que je faisais plus qu’une mère dite “normale’’ pouvait faire. Je suis secrétaire médicale, physio, ergo et même infirmière… »


Martine Chartrand

Le Plan d’action gouvernemental pour les personnes proches aidantes, qui sera remplacé en 2026, compte 61 recommandations.

« La loi force le gouvernement à mettre en place des plans d’action quinquennaux, cela lui confère une responsabilité, indique Loriane Estienne. L’objectif de ce premier plan était surtout de mettre en lumière le rôle des proches aidants. »

Des sommes ont aussi été investies pour documenter la réalité des proches aidants et pour former les acteurs qui œuvrent à leurs côtés.

« Ça a définitivement mis en place des canaux de communication. Je n’ai jamais été autant sollicitée pour des comités ou de la recherche, indique Karine Ratelle, coordonnatrice au Réseau des aidants naturels d’Autray. Ce sont des opportunités pour faire avancer la cause, ça aide beaucoup. »

Pour Martine Chartrand, la loi permet de mieux reconnaître les proches aidants, mais dans les faits, ce n’est pas le cas partout. « C’est encore un défi parfois d’être reconnu dans certains milieux, constate-t-elle. La société a encore du chemin à faire. »

Mieux arrimer les services aux soins

Même si leur reconnaissance est facilitée par la loi, de nombreux proches aidants peinent à obtenir l’aide et les services dont ils ont besoin. C’est sur ce point que devrait se concentrer le prochain plan d’action, estime Sophie Éthier. « Parfois, les services ne sont pas disponibles au moment où on en aurait besoin, déplore-t-elle. Parfois, les organismes doivent offrir des services en fonction des subventions qu’ils reçoivent plutôt que [les services] qui feraient une différence. »

« Et quand le financement est terminé, ces organismes doivent parfois cesser d’offrir le service ou remercier des travailleurs compétents [qui les fournissent] », renchérit-elle.

Karine Ratelle peut en témoigner : elle a vu le financement de son organisme amputé après le non-renouvellement d’une entente de trois ans, ce qui lui a coûté 15 % de sa masse salariale, soit un employé.

Un financement public plus flexible, octroyé à la mission plutôt que par projets, permettrait aux organismes de mieux déployer leur offre de services et de l’arrimer aux besoins réels de leur public, croit la professeure.

Loriane Estienne estime pour sa part que l’offre de services des organismes doit être complémentaire à ce qui est disponible dans le réseau de la santé, pour désengorger ce dernier. « Nous sommes des partenaires dans la trajectoire de soins, souligne-t-elle. Il y a un besoin de coordination pour mieux soutenir les personnes aidées et les proches aidants en mettant en place un meilleur filet de sécurité autour d’eux. »

À cela s’ajoute la difficulté, pour les proches aidants, à obtenir du soutien financier.

«  Le problème de fond, avec les crédits d’impôt, c’est qu’ils sont peu utilisés, peu connus et tellement restrictifs que très peu de gens peuvent s’en prévaloir. »


Sophie Éthier

Celle-ci croit que des mesures permettant aux proches aidants d’avoir un revenu significatif, comme une prestation universelle ou un revenu de remplacement, devraient être discutées sur la place publique.

Et même si la loi permet aux travailleurs d’aménager leur horaire pour mieux concilier leur emploi et leur vie personnelle, encore faut-il que leur employeur l’accepte. « Il faut simplement espérer que leur patron soit ouvert », indique Sophie Éthier.

« Au niveau politique, il faudrait réviser les prestations et tout harmoniser pour que l’aide soit optimale aux proches aidants, fait valoir Loriane Estienne. Il y a une véritable réflexion de fond à faire autour des prestations et de l’accès à celles-ci. »

« Ce ne sont pas des gens qui veulent abuser du système, complète Karine Ratelle. Ils veulent juste être un peu dédommagés pour tout ce qu’ils font pour un proche et qui entraîne aussi des dépenses ou des pertes financières. »

Êtes-vous proche aidant sans le savoir ?

Du 2 au 8 novembre aura lieu la Semaine nationale des personnes proches aidantes. Organisateur de l’événement, Proche Aidance Québec profitera de l’occasion pour mettre de l’avant les différents visages de la proche aidance sous le thème « Apprenons à voir l’invisible ». Ce faisant, l’organisme présentera, une fois par jour, le portrait d’une personne proche aidante pour faire état de la diversité des réalités que peuvent vivre ceux et celles qui soutiennent un proche au quotidien. « C’est important pour nous de mettre en lumière le fait que n’importe qui peut être proche aidant, et que plusieurs l’ignorent », fait valoir Loriane Estienne, directrice générale de Proche Aidance Québec. En effet, selon l’Enquête nationale sur la proche aidance réalisée par l’Appui en 2022, 35 % des personnes proches aidantes âgées de plus de 15 ans ne se considèrent pas comme telles. Ignorant qu’elles sont proches aidantes, elles ne pensent pas à solliciter les services auxquels elles ont droit auprès des organismes, ajoute Mme Estienne. Les organismes membres de Proche Aidance Québec tiendront, tout au long de la semaine, quelques activités pour sensibiliser au rôle de proche aidant et pour promouvoir leurs services.

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